Depuis un peu plus de deux ans, le groupement Grif Beaux-arts réunit des distributeurs indépendants spécialisés dans les beaux-arts et les activités créatives. Objectif : sauver cette population de magasins de proximité et riposter contre la concurrence des grandes enseignes et du e-commerce. Christine Dumas, présidente du groupement Grif Beaux-Arts, aussi la dirigeante de la boutique Passage Clouté à Paris, explique comment et pourquoi est né ce réseau.
Comment est né le groupement Grif Beaux-arts ?
Grif Beaux-arts est né il y a un peu plus de deux ans maintenant, sur l’idée que nous, distributeurs spécialisés beaux-arts, étions très isolés les uns les autres. Le système du commerce s’est beaucoup réorganisé ces dernières années avec des grandes enseignes culturelles et l’impact des géants du e-commerce comme Amazon. Nous nous sommes dit que si nous restions chacun de notre côté, il allait être très difficile de survivre car nous n’avions pas les bonnes conditions d’achats. Il y a eu déjà pas mal de fermetures ces dix dernières années. Nous avons créé ce groupement pour optimiser nos achats.
Concrètement, comment le groupement aide ses adhérents ?
D’abord nous centralisons la négociation avec les fournisseurs. Le marché étant difficile, nécessité fait loi. Certains adhérents avaient des niveaux de remises catastrophiques. Avec nous, ils ont des remises qui leur permettent d’être concurrentiels, au prix du marché, ce qui leur permet de pouvoir s’exprimer. Ils peuvent de nouveau faire des promotions parce qu’ils en ont les moyens. Ensuite nous mutualisons la communication. Les petits magasins sont souvent isolés dans leurs régions, ils communiquent peu parce qu’ils n’ont pas le temps. Du coup, ils laissent le terrain de la communication aux grandes enseignes qui sont structurées avec des services dédiés. L’objectif principal est de réinvestir le monde de la communication, d’être un acteur existant auprès du consommateur, au prix du marché, avec du produit et du conseil.
Quelles sont les conditions pour adhérer à Grif ?
Nous avons un protocole qui est la mission du co-fondateur de Grif Valery Chapon. Il va à la rencontre des potentiels adhérents, dans leur magasin, dans leur environnement. Si nous sommes dans le même état d’esprit, que nous avons les mêmes valeurs, ça fonctionne. Après, les adhérents payent une cotisation mensuelle pour les différents services que nous fournissons. Nous avons par exemple mis en place un intranet (que nous améliorions actuellement), un cloud sur lequel ils peuvent consulter toutes les informations concernant le groupement : infos produits, prix d’achats, promotions, dates de validité, etc. Ils peuvent intégrer leurs produits dans leur système de gestion commerciale. L’idée est de leur faire gagner du temps pour se concentrer sur la vente et le conseil. Quand on est seul dans un magasin, ouvert 5 ou 6 jours par semaine, de 10h à 19h, c’est très compliqué de pouvoir faire autre chose qu’accueillir le client, le servir, la conseiller, approvisionner, refaire les panels, enregistrer les ventes. Il est vraiment important pour nous de sortir nos adhérents de leur isolement. Nous faisons ainsi des réunions trois fois par an, c’est un vrai lieu d’échanges, chacun pouvant aborder ses problématiques : produits, comportements consommateurs, etc.
Quel est le profil de vos 94 adhérents ?
Il n’y a pas de profil type. Nous avons des points de vente qui vont de 40 m2 pour le plus petit à 1000 m2, avec des chiffres d’affaires entre 100 000 et 3 millions d’euros. Certains sont dans de toutes petites villes, d’autres dans des grandes agglomérations comme Paris. Les typologies de magasins sont vraiment différentes mais il y a un point commun : nous faisons tous du beaux-arts. Certains ont un parti-pris encadrement, d’autres s’orientent sur les loisirs créatifs, d’autres n’en ont pas du tout, mais tout le monde a cette activité beaux-arts qui est véritablement notre ADN commun. Chez Grif, nous considérons qu’il n’y a pas de petit ou grand magasin, il n’y a que des professionnels des beaux-arts.
Justement, pouvez-vous en dire plus sur l’identité de ce jeune réseau ?
En effet, nous avons mis en place beaucoup d’outils en deux ans, mais nous restons tout neufs ! Nos enseignes existent toutes, elles sont fortes localement et historiquement - elles ont parfois été transmises de génération en génération. Je m’amuse à dire que le nom de nos enseignes est notre prénom et que Grif est notre nom de famille. C’est le lieu de rencontres, c’est notre dénominateur commun, c’est par là que nous nous reconnaissons les uns les autres. Donc je ne m’appelle pas Grif, mais Passage clouté – groupe Grif Beaux-arts. Il ne faut pas oublier que tout le monde dans ce groupement est indépendant. Il est essentiel d’intégrer cette notion. Malgré des concurrents communs, nous avons tous nos spécificités d’emplacement, d’histoire, de positionnement. Quelque part, Grif n’est pas un groupement directif parce que nous estimons que nos adhérents savent ce qu’ils ont à faire. Nous les accompagnons quand ils en ont besoin, mais ils connaissent leur métier, leur région, leurs clients. L’idée est vraiment que chacun puisse être respecté aussi bien dans son identité que dans son marché.
Comment devenir adhérent Grif beaux-arts ?
Les conseils de Valery Chapon, cofondateur du réseau « Notre protocole est bien établi : je vais visiter les éventuels nouveaux adhérents pour leur expliquer ce qu’est Griff, comment le réseau fonctionne. Le distributeur m’explique ensuite qui il est. La discussion dure entre 4 et 6 heures. A la fin, nous nous choisissons mutuellement. Grif dispose d’une charte philosophique, éthique et comportementale. Dans cette charte, quatre points sont primordiaux : - Indépendance. Chacun est maitre de son entreprise et libre de ses choix. Le groupement propose, l’adhérent dispose. - Appartenance. Il faut soutenir, porter et véhiculer les valeurs du groupement. - Confiance : la confiance entre les différents adhérents est essentielle. - Transparence, c’est-à-dire communiquer ses chiffres et ses infos. A partir du moment où nous sommes à l’unisson, nous signons l’accord commercial – il est très simple, seulement quatre pages. Par la suite, chaque adhérent peut sortir du réseau par recommandé au bout de 3 mois. De même, chaque adhérent peut se faire déposer avec un recommandé de 3 mois. Un autre facteur important est l’intelligence. Nous sommes souvent plusieurs points de vente Grif dans la même ville, dans un même quartier, parfois dans la même rue. Il faut accepter de travailler en bons termes. Adhérer à Grif est un acte philosophique : nous avons le droit d’être singulier tout en vivant ensemble. C’est la réalité de la vie et de notre quotidien. Nous sommes tous des êtres singuliers et pourtant nous vivons ensemble. Notre groupement, c’est donc à la fois un business mais aussi une intelligence humaine. » Article initialement paru dans Le Papetier de France n°833, Janvier-Février 2019.